Commentaires Eleison – N° 904 – 9 novembre 2024

L’évêque est un pasteur d’abord par la doctrine —

Avec le modernisme elle tombe en ruine.

Il y a un peu plus d’un mois, l’un des quatre évêques consacrés en 1988 par Mgr Lefebvre sans mandat pontifical est décédé. Il s’est fracturé le crâne suite à une chute dans un escalier en pierre du séminaire d’Écône, en Suisse, où il vivait depuis 2020. Son Excellence Mgr Tissier de Mallerais était âgé de 79 ans et avait rendu, au cours d’une longue vie, des services considérables à la Fraternité sacerdotale Saint Pie X. Pour commémorer son départ de cette « vallée de larmes », ces Commentaires rappelleront ici au moins trois des hauts faits de Mgr Tissier — avec notre gratitude et nos prières pour le repos de son âme.

Tout d’abord, à la fin des années 1960, lorsque Mgr Lefebvre eut lancé la première année de son séminaire encore en projet, à la fin de cette année, il vit partir un si grand nombre des premiers séminaristes qu’il envisagea d’abandonner son projet comme sans avenir. Ce sont deux de ces jeunes séminaristes qui le persuadèrent de ne pas renoncer, mais d’essayer à nouveau l’année scolaire suivante. Le premier était Paul Aulagnier, futur fondateur du remarquable District de la Fraternité en France. Le second était Bernard Tissier de Mallerais, futur évêque de la Fraternité. Où en serait l’Église catholique — et le monde — aujourd’hui, si ces deux hommes n’avaient pas persuadé Mgr Lefebvre de persévérer dans ce qui allait devenir le fer de lance du maintien de la Tradition catholique dans une Église et un monde saisis par la folie ?

Deuxièmement, dans les années 1980, Mgr Lefebvre avait engagé une lutte à mort avec les ennemis maçonniques de l’Église, qui s’accrochaient fermement aux leviers du pouvoir dans l’Église qui leur avaient été remis par Vatican II — c’était une juste punition de Dieu pour l’apostasie alors universelle. Le principal problème était d’ordre doctrinal, avec les erreurs conjointes de la liberté religieuse et du faux œcuménisme, qui sapent toutes deux en profondeur l’ensemble du dogme catholique. C’est sur l’abbé Tissier que Mgr Lefebvre s’appuya largement pour formuler la véritable doctrine de l’Église et expliquer pourquoi la Tradition catholique, trahie par les modernistes, devait être défendue à tout prix. L’inspiration venait de Mgr Lefebvre, mais c’est l’abbé Tissier qui en était l’instrument et l’exécutant.

Troisièmement, en 2006, Mgr Tissier a accordé un entretien sérieux à Stephen Heiner, qui écrivait alors pour The Remnant, un magazine catholique américain qui doit sans doute en posséder le texte intégral dans ses archives (intégralité de l’entretien entre Mgr Tissier et S. Heiner, en anglais et en espagnol : https ://truerestoration.org/an-interview-with-bishop-bernard-tissier-de-mallerais-2/). Lorsque Heiner pensa avoir terminé l’interview, l’évêque objecta. Non, Heiner avait omis l’essentiel, c’-à-d. une fois de plus la doctrine, à savoir les monstrueuses erreurs doctrinales du pape Benoît XVI. La dernière partie de l’entretien montre clairement que Mgr Tissier a pris la peine de lire lui-même ce que l’abbé Ratzinger avait écrit vers le début de sa carrière de « théologien ». Combien d’entre nous ont pris cette peine ? En toute justice, Mgr Tissier dit à Heiner qu’il ne sait pas si le pape Ratzinger a renoncé à sa folie et à son sentimentalisme, mais il ajoute également qu’en 2006, Ratzinger n’avait pas encore rétracté ses erreurs. Voici une citation des pages 232–233 du livre de Ratzinger, Introduction au christianisme, paru en 1968, traduite de l’allemand :

«  . . . certains textes de dévotion semblent suggérer que la foi chrétienne dans la Croix envisage Dieu comme un Dieu dont la justice inexorable exigeait un sacrifice humain, le sacrifice de son propre Fils. Et nous fuyons avec horreur une justice dont la colère ténébreuse ôte toute crédibilité au message d’amour ».

En d’autres termes, la Croix était trop horrible pour être vraie, car Dieu le Père ne pouvait pas avoir exigé un sacrifice aussi cruel de la part de son Fils bien-aimé, parce qu’une telle cruauté va à l’encontre de la nouvelle religion conciliaire de l’« amour ». Voilà du modernisme pur et simple. Il suffit de comparer la façon dont saint Ignace consacre toute la première semaine des Exercices Spirituels à faire comprendre aux retraitants à quel point leurs péchés sont graves.

L’abbé Ratzinger réduisait la Foi en bouillie. Mgr Tissier, lui, avait une Foi solide.

Merci, Votre Excellence. Puissiez-vous reposer en paix.

Kyrie eleison

Mgr Richard Williamson