Le saint abandon chez notre Saint

Les saints ont toujours une leçon à donner à ceux qui les observent. De l’éternité où ils résident de façon permanente, sont-ils inactifs, au chômage en quelque sorte ?

Voyons, en cette fête de l’apôtre des Gaules, un des nombreux enseignements que Martin nous laisse, depuis sa naissance au Ciel, le 11 novembre 397.

Les antiennes de Laudes manifestent clairement le saint abandon de Martin de Tours. Ceci est notable dans la fin de sa vie, résultat et conclusion d’une vie donnée à Dieu dès son catéchuménat.

A Amiens il donne son manteau à un pauvre grelottant de froid. La nuit même Jésus lui apparaît, revêtu de cette tunique et lui déclare qu’en habillant le pauvre, c’est Lui-même qu’il a revêtu.

Toute sa vie durant, Martin n’aura qu’une soif : donner Jésus-Christ aux âmes, et les âmes au Christ Roi. Sa prédication, ses miracles, sa lutte incessante contre les druides, sorciers, païens de tout poil, tout ceci est résumé dans la secrète de la messe : « Sanctifiez, Seigneur, les dons que nous vous offrons en cette solennité de votre saint évêque Martin, afin que par eux notre vie soit toujours droite, au sein de l’adversité comme de la prospérité. »

Les antiennes de Laudes décrivent bien l’abandon de notre saint. Cette idée sera reprise plus tard par d’autres saints, tels saint Ignace dans son explication du célèbre Principe et Fondement : l’indifférence. Si les mots sont différents, la réalité est identique : c’est la pratique concrète de la parole du Maître, « Fiat voluntas tua, que Votre volonté soit faite ».

L’abandon n’est pas le désintéressement au sens trivial ou péjoratif du terme qui équivaudrait à dire « çà-m’est-égal » ou l’équivalent en des mots que je ne puis écrire ! C’est bien plutôt une force qui relève de la confiance en Dieu et partant, de la vertu d’Espérance.

Alors qu’il allait mourir, saint Martin s’exclama : « Seigneur, si je suis encore nécessaire à mon peuple, je ne refuse pas le travail : que votre volonté soit faite. » (deuxième antienne des Laudes)

La liturgie (troisième antienne) décrit le saint ainsi : « O homme ineffable, que le travail n’a point abattu, que la mort ne peut vaincre, qui n’a pas craint de mourir ni refuser de vivre ! »

Avec l’Église, chantons les gloires de Martin (cinquième antienne) : « Martin est reçu plein de joie dans le sein d’Abraham : Martin, cet homme pauvre et humble, entre riche dans le ciel ; il est honoré par de célestes cantiques. »

Abbé Dominique Rousseau

11 novembre 2023

La vie de saint Martin de Tours

Saint Martin (316-397), né en Pannonie, suivit en Italie son père, qui était tribun militaire au service de Rome. Bien qu’élevé dans le paganisme, il en méprisait le culte, et comme s’il eût été naturellement chrétien, il ne se plaisait que dans l’assemblée des fidèles, où il se rendait souvent malgré l’opposition de sa famille et ce, dès l’âge de dix ans.

Dès l’âge de quinze ans, il fut enrôlé de force dans les armées romaines, d’abord sous Constantin, puis sous Julien, et alla servir dans les Gaules, pays prédestiné qu’il devait évangéliser un jour. Que deviendra cet enfant dans la licence des camps ? Sa foi n’y va-t-elle pas sombrer ? Non, car Dieu veille sur ce vase d’élection.

Le fait le plus célèbre de cette époque de sa vie, c’est la rencontre d’un pauvre grelottant de froid, presque nu, par un hiver rigoureux. Martin n’a pas une obole ; mais il se rappelle la parole de l’Évangile : J’étais nu, et vous m’avez couvert. « Mon ami, dit-il, je n’ai que mes armes et mes vêtements. » Et en même temps, taillant avec son épée son manteau en deux parts, il en donna une au mendiant. La nuit suivante il vit en songe Jésus-Christ vêtu de cette moitié de manteau et disant à ses Anges : « C’est Martin, encore simple catéchumène, qui m’a ainsi couvert. » Peu de temps après il recevait le Baptême. Charité, désintéressement, pureté, bravoure, telle fut, en peu de mots, la vie de Martin sous les drapeaux. Il obtint son congé à l’âge d’environ vingt ans.

La Providence le conduisit bientôt près de saint Hilaire, évêque de Poitiers. Après avoir converti sa mère et donné des preuves éclatantes de son attachement à la foi de Nicée, il fonda près de Poitiers, le célèbre monastère de Ligugé, le premier des Gaules. L’éclat de sa sainteté et de ses miracles le fit élever sur le siège de Tours, malgré sa vive résistance. Sa vie ne fut plus qu’une suite de prodiges et de travaux apostoliques.

Sa puissance sur les démons était extraordinaire. Il porta à l’idolâtrie des coups dont elle ne se releva pas. Après avoir visité et renouvelé son diocèse, l’homme de Dieu se sentit pressé d’étendre au dehors ses courses et ses travaux. Vêtu d’une pauvre tunique et d’un grossier manteau, assis sur un âne, accompagné de quelques religieux, le voilà qui part en pauvre missionnaire pour évangéliser les campagnes. Il parcourt presque toutes les provinces gauloises : ni les montagnes, ni les fleuves, ni les dangers d’aucune sorte ne l’arrêtent ; partout sa marche est victorieuse, et il mérite par excellence le nom de Lumière et d’Apôtre des Gaules.

Étant tombé gravement malade de la fièvre, à Candes, bourg de son diocèse, il priait instamment Dieu de le délivrer de la prison de ce corps mortel. Ses disciples qui l’écoutaient, lui dirent : « Père, pourquoi nous quitter ? à qui abandonnez-vous vos pauvres enfants ? » Et Martin, touché de leurs accents, priait Dieu ainsi : « O Seigneur, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse point le travail. » Ses disciples voyant que, malgré la force de la fièvre, il restait couché sur le dos et ne cessait de prier, le supplièrent de prendre une autre position, et de se reposer en s’inclinant un peu, jusqu’à ce que la violence du mal diminuât. Mais Martin leur dit : « Laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre, pour que mon âme, sur le point d’aller au Seigneur, soit déjà dirigée vers la route qu’elle doit prendre. » La mort étant proche, il vit l’ennemi du genre humain et lui dit : « Que fais-tu là, bête cruelle ? esprit du mal, tu ne trouveras rien en moi qui t’appartienne. » Et, en prononçant ces paroles, le Saint rendit son âme à Dieu, étant âgé de quatre-vingt-un ans. Une troupe d’Anges le reçut au ciel, et plusieurs personnes, entre autres saint Séverin, Évêque de Cologne, les entendirent chanter les louanges de Dieu.