Nous avons publié le commentaire des sept premières béatitudes :
« Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux »,
« Bienheureux ceux qui sont doux parce qu’ils posséderont la terre »,
« Bienheureux ceux qui pleurent car ils seront consolés »,
« Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés »,
« Bienheureux les miséricordieux parce qu’ils obtiendront miséricorde »,
« Bienheureux ceux qui ont le cœur pur parce qu’ils verront Dieu »,
« Bienheureux les Pacifiques parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu. »
(Première partie : https://havresaintjoseph-tradition.fr/les-beatitudes/ )
(Deuxième partie : https://havresaintjoseph-tradition.fr/les-beatitudes-2/ )
(Troisième partie : https://havresaintjoseph-tradition.fr/les-beatitudes-3/ )
Voici la dernière béatitude :
« Bienheureux serez-vous quand on vous insultera et persécutera et qu’on dira faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi ».
– Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense est grande dans les Cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté les Prophètes qui étaient avant vous. »
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– « Bienheureux serez-vous quand on vous insultera et persécutera et qu’on dira faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi ».
– Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense est grande dans les Cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté les Prophètes qui étaient avant vous. »
Et c’est ainsi qu’on persécutera le Prophète qui vous parle. Or le disciple ne doit pas désirer d’être au-dessus du Maître, le disciple doit désirer d’être traité comme son Maître.
Si bien que le chrétien qu’on voudrait ravaler au rôle d’honnête homme serviable et poli, trouve aussi son allégresse à être méprisé, insulté, haï, calomnié, condamné et massacré.
Il n’est pas donné à tous d’entrer au Ciel par la porte du martyre mais il est donné à tous d’accepter de toutes petites injustices, de tout petits mépris, de toutes petites ironies, des petits coups d’épingles, des petites vexations, des petites humiliations, des superbes indifférences et des sereines incompréhensions. Il est donné à tous de se fabriquer des petits bouts de martyre de temps à autre. Martyr voulant dire : témoin (et non pas personne torturée comme on le croit généralement) il est donné à tous de « témoigner » que la-Croix est l’unique Histoire qui vaut la peine d’être connue, que l’Imitation de Jésus-Christ est l’unique vie qui vaut la peine d’être vécue et que tout chrétien s’honore de la haine qu’on lui témoigne.
La marque typique du martyre étant d’être accusé faussement, il n’y a donc pas lieu ni de s’étonner ni de s’indigner des milliers de condamnations absurdes inventées par les communistes. Cela est dans l’ordre de Chrétienté.
La seule nouveauté est que les martyrs s’accusent eux-mêmes dans un style uniforme montrant visiblement qu’ils ne sont plus que des perroquets. Cependant le Saint-Esprit a promis de parler par notre bouche quand nous serons persécutés. Il serait néfaste et absurde de ne pas croire d’une façon absolue en toutes les promesses de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le Saint-Esprit n’a jamais promis qu’il soufflerait une réponse à toute question, à n’importe quelle question. La sagesse semble donc de rester dans le silence le plus absolu jusqu’au moment où le Saint-Esprit pousserait visiblement à répondre. Mais le silence est aussi une réponse et il est possible que ce soit actuellement la seule qu’il nous soit demandé de faire. Comme les questions roulent toujours sur des sujets non religieux, le chrétien veut prouver qu’il n’est pas un mauvais citoyen et se croit tenu de répondre. La Vérité est qu’on n’est pas tenu de répondre à un personnage faisant profession d’athéisme, même quand il prétend mensongèrement le contraire. Un tel personnage est d’essence diabolique et il est tout à fait sans importance que le diable nous accuse d’impérialisme ou autre crime politique. Nous n’avons pas à nous défendre contre les crimes inventés par le diable. Laissons-le s’énerver : il a perdu d’avance et il le sait.
Je n’ignore pas qu’il est facile de parler de ces choses dans un pays paisible. Je n’ignore pas que celui qui refuse de répondre est immédiatement torturé. Notre-Seigneur ne répondait pas et Notre-Seigneur fut très exactement torturé. C’est là ce qu’il nous faut particulièrement apprendre dans une période comme la nôtre, c’est-à-dire une période de persécution.
Une autre particularité de la persécution éclate dans l’absurdité des questions posées. Aucun chrétien ne doit s’avilir en répétant dix fois de suite, et sans compter sur ses doigts : Il fait beau dehors. A partir du moment où le chrétien a cédé sur ce point, il devient un jouet dans les mains de ses bourreaux. N’oublions pas que les martyrs de la Primitive Église ne sentaient aucune douleur et que ce fait adorable s’est abondamment reproduit dans les camps nazis (notamment).
Dans le cadre de cette Béatitude, Jésus précisera le commandement qui place la chrétienté très au-dessus de toutes les autres religions (Matt., V, 43-48 ; Luc VI, 27-36) :
– Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent ; bénissez ceux qui vous maudissent et priez pour ceux qui vous persécutent »
L’ordre était tellement surprenant, tellement nouveau, que Jésus, voyant probablement la surprise de la foule, ajoute :
– « Si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, quel mérite avez-vous ? Car même les pécheurs aiment ceux qui les aiment Et si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quel mérite avez-vous, car les pécheurs font de même. »
Et la raison, la grande raison de cet ordre surprenant est que Dieu est bon, même pour les ingrats, même pour les méchants, et que notre règle de vie doit être tout simplement d’imiter Dieu : « Soyez saints comme votre Père céleste est Saint. »
La sainteté n’est donc pas un privilège réservé à quelques-uns, une prédestination arbitraire accessible seulement à un très petit nombre. Certaines vies de saints tendraient cependant à nous le faire croire et donc à nous décourager. Ces vies-là décrivent des saints chargés d’une mission spéciale. Ceci n’est évidemment pas demandé à tout le monde et ne fait du reste pas l’essence de la sainteté. La vérité est que la sainteté est accessible à tous, et qu’il n’existe absolument rien qui puisse l’empêcher. Jésus n’aurait pas donné cet ordre s’il n’était pas praticable et, ayant donné cet ordre, Il est, en quelque sorte, obligé de nous aider. Prétendre donc que la sainteté n’est accessible qu’à quelques privilégiés, c’est nier la puissance du Seigneur, c’est dire très exactement : Je sais que mes défauts sont plus forts que le Tout-Puissant ; je sais que ma volonté de rester dans le mal ou la médiocrité est plus forte que la Volonté de Dieu. En d’autres termes, je suis plus puissant que le Tout-Puissant.
Notre-Seigneur a déjà répondu à cette crainte absurde quand Il disait à Marguerite-Marie : « Tu ne manqueras de secours que lorsque mon Cœur manquera de puissance. »
De sorte qu’il semble que la clef de Chrétienté soit la Confiance. Confiance que Dieu est plus puissant que nous, confiance que Dieu nous aime plus qu’aucun saint ne l’a jamais aimé, confiance que son plus cher désir est de nous avoir tout près de Lui pour toujours ; confiance qu’Il connaît mieux notre incapacité que nous ne la connaissons nous-mêmes ; confiance que Jésus n’est pas mort en Croix pour que nous Lui disions : Mais je sais que pour effacer mes propres péchés, cela est insuffisant.
Il semble du reste qu’aujourd’hui la grosse difficulté ne soit pas tant la hantise de ses péchés et de ses défauts que l’opinion contraire : nous nous croyons sans péché parce que nous n’avons ni tué ni volé. Et encore ! … Voler ? … en regardant bien, est-ce si sûr que cela ? … Et dire du mal du prochain étant mis par Jésus à pied d’égalité avec le meurtre … les meurtriers ne se comptent plus, tant le monde en est plein.
Les Imprécations.
(Luc VI, 24-26)
Les huit Béatitudes, Charte de Chrétienté sont renforcées par les quatre Imprécations :
– « Mais malheur à vous, les riches, parce que vous avez reçu votre consolation. »
– « Malheur à vous qui êtes repus maintenant parce que vous aurez faim. »
– « Malheur à vous, qui riez maintenant parce que vous serez dans le deuil et dans les larmes. »
– « Malheur à vous lorsque les hommes diront du bien de vous ; c’est ainsi que leurs pères traitaient les faux Prophètes. »
Léon Bloy disait : « Je ne voudrais pas être riche pendant un quart d’heure, parce que pendant ce quart d’heure-là je pourrais mourir. »
Itinéraires n° 120 – Février 1968