Voici un titre bien étrange n’est-ce pas ?

Cela mérite explication, et je ne m’y déroberai pas.

De quoi s’agit-il ?

Ayant vu que « La Bible d’une grand-mère » de la Comtesse de Ségur venait d’être éditée par les Éditions Triomphe, je l’ai acquise. Le travail de présentation est soigné, de belles lettrines commencent les chapitres, les gravures sont à la hauteur de ce travail. Bref, la vue est gâtée par le bel ouvrage.

Après l’avoir feuilleté et vu rapidement tout ce que je viens d’écrire, j’ai commencé par le commencement, à savoir l’avertissement de l’éditeur, Triomphe en l’occurrence. Lisons ensemble :

« Dans le texte original de La Bible d’une grand-mère de la comtesse de Ségur, la foi expliquée et transmise aux enfants s’appuie sur le catéchisme et la tradition catholiques, mais fait place aussi à certaines croyances scientifiques et certaines habitudes sociales et religieuses de l’auteur et de l’époque. Pour leur très grande majorité, elles sont expliquées de façon très identifiable dans le dialogue de la grand-mère avec ses petits-enfants, et participent au style voire au charme du texte. Quand cela est nécessaire, elles sont expliquées par des notes en bas de page que nous avons ajoutées.

Certaines conceptions, toutefois, ne sont plus recevables de nos jours, compte tenu des progrès effectués depuis deux siècles dans les connaissances et les relations entre les confessions religieuses. C’est ce qui a conduit à corriger quelques passages du texte qui suit, afin qu’il soit recevable en toute sérénité dans les familles, par les jeunes lecteurs d’aujourd’hui. (Les mots en gras sont de notre fait, pour souligner l’optique de l’éditeur). En fin d’ouvrage, on trouvera une notice qui donne le détail de ces corrections, par souci d’honnêteté envers le lecteur d’aujourd’hui.

Il est par ailleurs utile de savoir que le texte de L’Évangile d’une grand-mère et des Actes des apôtres d’une grand-mère a été écrit et publié avant le texte de La Bible d’une grand-mère (Ancien Testament) qui ont été replacés dans leur continuité chronologique et par souci de cohérence. »

Mes remarques suivront la lecture de la notice, annoncée dès cet avertissement de l’éditeur. Disons de suite qu’elles ne seront pas exhaustives : j’irai au principal et au plus important.

Lisons maintenant donc (page 835) les « Précisions sur les corrections ».

Les corrections et actualisations portées au texte de cette Bible une grand-mère, limitées au strict nécessaire et voulues au bénéfice du lecteur d’aujourd’hui, ont été guidés par le souci d’en retirer principalement les erreurs scientifiques manifestes, les jugements de valeurs condescendants envers d’autres peuples et religions, en particulier le peuple juif, et les préjugés misogynes. (Les mots en gras sont de notre fait, pour souligner l’optique de l’éditeur).

Ainsi, concernant la chronologie historique, on pouvait fermement croire au XIXe siècle qu’Adam avait été créé 4000 ans avant la naissance du Christ. Nous avons supprimé cette mention qui n’était pas à l’avantage du texte quand elle prétendait dater historiquement le récit de la création ainsi que les épisodes majeurs de la Genèse jusqu’à Abraham. Quand cela était pertinent, elle a été remplacée par l’expression « milliers d’années » qui ne dénature pas l’approche du texte original et qui n’est pas non plus trompeuse.

Deuxièmement, l’infidélité du peuple d’Israël face à la bonté de Dieu durant le récit biblique ainsi que l’incrédulité des dignitaires religieux juifs face à l’avénement du Christ conduisent la comtesse de Ségur et ses jeunes interlocuteurs à adopter à plusieurs reprises un ton critique sévère et sans nuances vis-à-vis des Juifs, irrecevable pour l’éditeur et pour le lecteur contemporains. Cette approche, symptomatique d’un tour d’esprit antisémite de l’époque, et bien qu’elle soit mise en scène par le biais des réflexions puériles par nature, a nécessairement été atténuée afin de ne pas généraliser à tout un peuple les fautes de quelques-uns. (Les mots en gras sont de notre fait, pour souligner l’optique de l’éditeur).

Pour être plus en phase avec une compréhension améliorée du mystère d’Israël dans l’économie du salut dont nous bénéficions aujourd’hui, la mention globalisante « les Juifs » a ainsi régulièrement laissé la place aux formulations suivantes : « des Juifs », « les hauts religieux juifs » ou encore « la foule ».

Énoncés à l’occasion d’incises, les quelques propos lapidaires justifiant la mort brutale des méchants en affirmant l’infériorité des croyants d’autres confessions chrétiennes ont eux aussi été retirés, car ils n’apportaient rien au développement du récit. (Les mots en gras sont de notre fait, pour souligner l’optique de l’éditeur).

Dans le même esprit, les quelques passages décrivant les femmes comme inférieures aux hommes nous ont paru datés et parfaitement dispensables.

L’ensemble de ces interventions laisse le texte original intact dans son écrasante majorité et garantie au lecteur une expérience de découverte authentique de l’œuvre de la comtesse de Ségur. »

Voilà la façon dont est présentée cette œuvre de la comtesse de Ségur. Elle est falsifiée, n’en déplaise aux nouveaux éditeurs.

Elle est le résultat d’un faux œcuménisme. Lorsque l’éditeur écrit ceci : « (…) affirmant l’infériorité des croyants d’autres confessions chrétiennes ont eux aussi été retirés, car ils n’apportaient rien au développement du récit », la différence qui était faite dans l’édition originale était nette. Il existe une religion vraie (celle que Notre-Seigneur a établie, la religion catholique), et les fausses religions, qui ne mènent pas à Dieu mais qui viennent du diable et qui mènent les âmes en enfer. Ce discours déplaît, il est « irrecevable pour l’éditeur et pour le lecteur contemporains » Ceci est dit de l’éditeur pour ce qui concerne les Juifs. Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants, s’écria le peuple furieux, lors du procès de Jésus. Tandis que l’édition du Triomphe termine là la phrase, l’édition originale était bien plus complète et précise sur le sort qui fut celui du peuple déicide. La voici : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants, s’écria le peuple furieux qui jusque-là avait été le peuple de Dieu, et qui, depuis ce jour où il devint assassin de son Dieu, fut maudit comme Caïn, et condamné comme lui à errer sur la terre, méprisé et haï par toutes les nations et dans tous les siècles. » La comtesse de Ségur reprenait par ces mots la doctrine multiséculaire de l’Église, qui n’avait cessé d’enseigner cela à toutes les générations.

Il serait bien long de faire une étude, page après page, en parallèle, de ces deux éditions, celle écrite par la Comtesse, sous l’oreille attentive de son fils, Mgr de Ségur, le prélat aveugle mais qui y voyait bien clair dans la Foi catholique, et cette édition de 2025, imbue des erreurs de Vatican II.

Cette nouvelle édition n’est pas à recommander. Elle est même à condamner. La Comtesse n’a pas écrit ainsi. Le lecteur est trompé, quoi qu’en disent les Éditions Triomphe. Loin d’être un triomphe, cette édition est désastre.

Où peut-on trouver alors le texte authentique, de nos jours ?

Les Éditions Saint-Remi, en 2023, ont réédité ces beaux textes, avec les approbations de nombreux évêques. Voici le jugement du cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux, en 1865 ; « Votre expérience, madame, et votre foi plus encore, vous ont inspiré de venir en aide aux enfants en donnant sous le titre modeste de l’Évangile d’une grand-mère, le récit des actions et des paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ expliquées avec autant de charme que de solidité aux jeunes intelligences que vous vous proposez d’atteindre.

C’est un traité complet de la religion dans lequel je n’ai trouvé, après l’avoir lu attentivement dans l’une de mes visites pastorales, que le véritable esprit de l’Église et de très gracieux développements. »

Nous faisons nôtres ces avis de l’Église enseignante.

Et nous ne voulons pas de cette nouvelle « Bible d’une grand-mère », car elle est revisitée, falsifiée et donc mensongère.

P.S. : Précision relative à cette recension – rapide – de l’édition de « La Bible d’une grand-mère », par les Éditons Triomphe.

Je tiens à dire tout d’abord que j’ai acheté le livre par le site Livres en famille (https://www.livresenfamille.fr) ; ce site est réputé ‘catho-tradi’. Soit. Il eût été avisé pour les propriétaires de ce site de vérifier que cet ouvrage était identique aux versions précédentes de cet ouvrage de la comtesse de Ségur. Espérons que cette mise en vente sur ce site ne soit qu’une imprudence matérielle seulement, donc involontaire. Souhaitons qu’il soit retiré de la liste des ventes !

« Qui possède les enfants tient l’avenir ». C’est la raison principale de la mise en garde contre cette édition tronquée volontairement, et modernisante, de l’ouvrage de la Comtesse.

Abbé Dominique Rousseau

13 octobre 2025

Anniversaire des Apparitions de Notre-Dame à Fatima