C’est au fil de la lecture de l’ouvrage Louis Salleron, Artisan du bien commun que ce billet vous est offert.

A travers toutes ses activités tant familiales que professionnelles, Louis Salleron, profondément catholique, a donné sa vie pour une réalité qui transcende tout : la Vérité dont il fut passionné et pour laquelle il se fit un ardent défenseur, dans un siècle où le relativisme et l’opinion détrônèrent ce qui EST.

Il a beaucoup écrit, dans de nombreuses revues (la plus célèbre : Itinéraires, fondé en 1956 avec Jean Madiran) et je me vois obligé de renvoyer à la bibliographie du livre cité sur ce personnage tant la liste des ouvrages, revues, articles… serait longue à citer ici, et tel n’est pas le propos fixé dans ce mot.

« Dans l’attente »… c’est dans sa soixante-dixième année que cette expression sort de la plume de Salleron (1905 – 1992) : « J’attends la lumière dans la patience et l’espérance. en upomonè. »

Bien entendu Louis Salleron entre dans le déclin de sa vie terrestre et nombreux sont ses amis déjà parvenus au terme de leur existence. Mais cette attente n’est pas seulement celle de l’éternité à laquelle il se prépare – à laquelle aussi nous devons tous songer et vivre de telle sorte que nous soyons prêts pour le grand jour -, mais encore cette attente a pour nom : Espérance.

Cette vertu théologale fait de celui qui la possède un être clairvoyant, lucide sur l’état des choses : il ne se voile pas la face. S’il le faut, il dénonce le mal tel qu’il est, aussi peut-il paraître à certains pessimiste et sombre. « A travers le prisme des choses éternelles, le regard se fait de plus en plus lucide, jusqu’à atteindre la transparence. Ce n’est pas à proprement parler du pessimisme, car le prisme éternel n’assombrit pas la réalité, il n’est jamais déformant. » (p. 416)

Salleron dénonce la crise absolue : c’est l’ordre social qui craque (cf. Itinéraires, n° 192, avril 1975 : « La crise est ‘au-delà’ »). Le fondement et la source du chaos est l’humanisme, dont le père funeste est Jean-Jacques Rousseau qui a détrôné Dieu pour y mettre l’homme. Paul VI sera à cet égard un héritier de Rousseau lorsqu’il s’écrira le 7 décembre 1965 (Discours de clôture du Concile Vatican II) : « L’humanisme laïque et profane enfin est apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le concile. La religion du Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait Dieu. Qu’est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver, mais cela n’a pas eu lieu. La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du concile. Une sympathie sans bornes pour les hommes l’a envahi tout entier. La découverte et l’étude des besoins humains (et ils sont d’autant plus grands que le fils de la terre se fait plus grand) ont absorbé l’attention de notre synode. Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme. »

Ainsi Paul VI a introduit dans l’Église (l’Église conciliaire, selon la formule de Mgr Benelli – voir Cristina Siccardi : L’Hiver de l’Église après le concile Vatican II, p. 127) le profane, l’homme sans Dieu, l’athéisme pratique.

Et depuis Paul VI nous assistons à une création d’une autre religion : celle de l’homme qui se fait Dieu. C’est grave. Le mal est très profond et ébranle jusqu’aux racines de l’être, dépendant de soi de Dieu. Il est déraciné, par le fait des humanistes confortés par l’autorité de Rome. François, George Bergoglio, poursuit avec pertinacité le sillon de ses prédécesseurs.

Près de soixante ans ont passé depuis la fin du concile, l’état des choses s’est empiré dans tous les domaines mais il reste pour nous la vertu : l’Espérance, « lumière dans la nuit », selon le mot de Péguy. Et rien ne doit entamer cette lumière, fût-elle minime et portée par un nombre infime de catholiques. 

Soyons de ces lumières pour éclairer ceux qui peuvent, et qui veulent encore, l’être :

  • dans l’attente de jours meilleurs, où un pape digne de ce nom rétablira l’ordre : « Tout instaurer dans le Christ », selon la devise de saint Pie X ;
  • et ultimement, dans l’attente de la Béatitude éternelle, où il n’y aura plus que la joie parfaite, de la possession de Dieu, pour toujours.

Abbé Dominique Rousseau

17 octobre 2023