Cet article fait suite à celui que nous avons écrit au sujet de la taille (voir ici : https://havresaintjoseph-tradition.fr/la-taille/).

Nous avons abordé sans la traiter la question de la volonté de bon plaisir. Le sujet est étudié à fond dans le bel ouvrage de Dom Vital Lehodey, Le saint Abandon (disponible aux Éditions D.F.T.).

De son côté, le Père Garrigou-Lagrange OP nous apprend à vivre dans l’esprit des Béatitudes : hissons nos cœurs et apprenons à prendre le recul nécessaire, loin du brouillard et du chaos ambiants, afin de ne pas être secoués outre mesure par les choses contingentes.
Lisons ces lignes de l’illustre dominicain, professeur de théologie à Rome, du temps du pape Pie XII :

« Par la fidélité au devoir de minute en minute on évite la fausse et paresseuse quiétude des quiétistes, et par l’abandon confiant on échappe à l’inquiétude vaine et à l’agitation stérile. Cet abandon serait paresse s’il ne supposait pas la fidélité quotidienne, qui est comme le tremplin pour s’élancer sûrement dans l’inconnu. Cette fidélité quotidienne à la volonté divine signifiée donne comme droit de s’abandonner pleinement pour l’avenir à la volonté divine de bon plaisir non encore manifestée.
L’âme fidèle se rappelle souvent la parole de Notre-Seigneur : « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père » ; elle-même se nourrit constamment de la volonté divine signifiée, et elle s’abandonne à la volonté divine non encore manifestée, un peu comme le nageur, s’appuyant sur le flot qui passe, se confie au flot qui arrive, à l’océan qui pourrait l’engloutir, mais qui en réalité le porte. Ainsi l’âme doit avancer vers la haute mer, vers l’océan infini de l’être, comme disait saint Jean Damascène ; elle doit s’appuyer sur la volonté divine manifestée à l’heure présente, pour s’abandonner à la volonté divine dont dépendent les heures qui suivent et tout l’avenir. L’avenir est à Dieu ; les événements sont dans sa main : si les marchands qui achetèrent Joseph vendu par ses frères étaient passés une heure plus tôt, Joseph n’eût pas été en Égypte et toute sa vie eût été changée ; la nôtre dépend aussi de certains événements dont Dieu est le maître. Fidélité quotidienne et abandon confiant donnent ainsi à la vie spirituelle son équilibre, sa stabilité, son harmonie. On vit ainsi dans un recueillement presque continuel et une abnégation progressive ; ce sont là les conditions ordinaires de la contemplation et de l’union à Dieu. Voilà pourquoi nous devons vivre dans l’abandon à la volonté divine encore inconnue, en nous nourrissant de minute en minute de celle qui est déjà signifiée. »

R.P. Garrigou-Lagrange O.P. : La Providence et la confiance en Dieu – p. 235 – 236

Notes :
– Volonté de Dieu signifiée : préceptes, conseils.
– Volonté de bon plaisir : événements

Dom Vital Lehodey : « Le bon plaisir de Dieu est le domaine de l’abandon, et sa volonté signifiée est le domaine de l’obéissance. » (Le saint Abandon – p. 145)

Abbé Dominique Rousseau
10 novembre 2023