En ce jour de la fête du pape saint Pie V (1504-1572), nous publions la déclaration que fit le Père Calmel, en janvier 1970, pour la défense de la Messe dite de Saint-Pie V.

Suite à ce texte remarquable, nos lecteurs pourront apprendre qui fut le pape qui canonisa ce rite de la Sainte Église.

La rédaction, en la fête de Saint-Pie V, 5 mai 2024

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Déclaration du Père Calmel, O.P. (1914-1975)

 

La Messe traditionnelle

Je m’en tiens à la Messe traditionnelle, celle qui fut codifiée, mais non fabriquée, par saint Pie V, au XVIème siècle, conformément à une coutume plusieurs fois séculaire. Je refuse donc l’Ordo Missæ de Paul VI.

Pourquoi ? Parce que, en réalité, cet Ordo Missæ n’existe pas. Ce qui existe c’est une Révolution liturgique universelle et permanente, prise à son compte ou voulue par le Pape actuel, et qui revêt, pour le quart d’heure, le masque de l’Ordo Missæ du 3 avril 1969. C’est le droit de tout prêtre de refuser de porter le masque de cette Révolution liturgique. Et j’estime de mon devoir de prêtre de refuser de célébrer la Messe dans un rite équivoque.

Une réforme révolutionnaire

Si nous acceptons ce rite nouveau, qui favorise la confusion entre la Messe catholique et la Cène protestante – comme le disent équivalemment deux Cardinaux et comme le démontrent de solides analyses théologiques – alors nous tomberons sans tarder d’une Messe interchangeable (comme le reconnaît du reste un pasteur protestant) dans une Messe carrément hérétique et donc nulle. Commencée par le Pape, puis abandonnée par lui aux églises nationales, la réforme révolutionnaire de la messe ira son train d’Enfer. Comment accepter de nous rendre complices ?

Vous me demanderez : en maintenant, envers et contre tout, la Messe de toujours, avez-vous réfléchi à quoi vous vous exposez ? Certes. Je m’expose, si je peux dire, à persévérer dans la voie de la fidélité à mon sacerdoce, et donc à rendre au Souverain Prêtre, qui est notre Juge Suprême, l’humble témoignage de mon office de prêtre. Je m’expose encore à rassurer des fidèles désemparés, tentés de scepticisme ou de désespoir. Tout prêtre en effet qui s’en tient au rite de la Messe codifié par saint Pie V, le grand Pape dominicain de la Contre-Réforme, permet aux fidèles de participer au Saint Sacrifice sans équivoque possible ; de communier, sans risque d’être dupe, au Verbe de Dieu incarné et immolé, rendu réellement présent sous les saintes espèces. En revanche, le prêtre qui se plie au nouveau rite, forgé de toutes pièces par Paul VI, collabore pour sa part à instaurer progressivement une Messe mensongère où la présence du Christ ne sera plus véritable, mais sera transformée en un mémorial vide ; par le fait même le Sacrifice de la Croix ne sera plus réellement et sacramentellement offert à Dieu ; enfin la communion ne sera plus qu’un repas religieux où l’on mangera un peu de pain et boira un peu de vin ; rien d’autre comme chez les protestants. – Ne pas consentir à collaborer à l’instauration révolutionnaire d’une Messe équivoque, orientée vers la destruction de la Messe, ce sera se vouer à quelles mésaventures temporelles, à quels malheurs en ce monde ? Le Seigneur le sait dont la grâce suffit. En vérité la grâce du Cœur de Jésus, dérivée jusqu’à nous par le Saint Sacrifice et par les sacrements, suffit toujours. C’est pourquoi le Seigneur nous dit si tranquillement : celui qui perd sa vie en ce monde à cause de moi la sauve pour la vie éternelle.

Je reconnais l’autorité du Saint-Père

Je reconnais sans hésiter l’autorité du Saint-Père. J’affirme cependant que tout Pape, dans l’exercice de son autorité, peut commettre des abus d’autorité. Je soutiens que le Pape Paul VI commet un abus d’autorité d’une gravité exceptionnelle lorsqu’il bâtit un rite nouveau de la Messe sur une définition de la Messe qui a cessé d’être catholique. « La Messe, écrit-il dans son Ordo Missæ, est le rassemblement du peuple de Dieu, présidé par un prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur. » Cette définition insidieuse omet de parti-pris ce qui fait catholique la Messe catholique, à jamais irréductible à la Cène protestante. Car dans la Messe catholique il ne s’agit pas de n’importe quel mémorial ; le mémorial est de telle nature qu’il contient réellement le Sacrifice de la Croix, parce que le corps et le sang du Christ sont rendus réellement présents par la vertu de la double consécration. Cela apparaît à ne pouvoir s’y méprendre dans le rite codifié par saint Pie V, mais cela reste flottant et équivoque dans le rite fabriqué par Paul VI. De même, dans la Messe catholique, le prêtre n’exerce pas une présidence quelconque ; marqué d’un caractère divin qui le met à part pour l’éternité, il est le ministre du Christ qui fait la Messe par lui ; il s’en faut de tout que le prêtre soit assimilable à quelque pasteur, délégué des fidèles pour la bonne tenue de leur assemblée. Cela, qui est tout à fait évident dans le rite de la Messe ordonné par saint Pie V, est dissimulé sinon escamoté dans le rite nouveau.

La simple honnêteté donc, mais infiniment plus l’honneur sacerdotal, me demandent de ne pas avoir l’impudence de trafiquer la Messe catholique, reçue au jour de l’Ordination. Puisqu’il s’agit d’être loyal, et surtout en une matière d’une gravité divine, il n’y a pas d’autorité au monde, serait-ce une autorité pontificale, qui puisse m’arrêter. Par ailleurs la première preuve de fidélité et d’amour que le prêtre ait à donner à Dieu et aux hommes c’est de garder intact le dépôt infiniment précieux qui lui fut confié lorsque l’évêque lui imposa les mains. C’est d’abord sur cette preuve de fidélité et d’amour que je serai jugé par le Juge Suprême. J’attends en toute confiance de la Vierge Marie, la Mère du Souverain Prêtre, qu’elle m’obtienne de rester fidèle jusqu’à la mort à la Messe catholique, véritable et sans équivoque.

TUUS SUM EGO, SALVUM ME FAC.

Itinéraires n° 139, p. 74-77 – Janvier 1970

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Saint Pie V, pape (1504-1572)

Deux religieux dominicains cheminaient un jour à travers la Lombardie. Dans un village, ils rencontrèrent un petit pâtre nommé Michel Ghislieri, d’une noble famille ruinée par les guerres civiles. La physionomie ouverte et spirituelle de l’enfant, ses questions, ses réponses, frappèrent vivement les bons religieux, qui lui proposèrent de l’emmener pour le faire entrer dans leur Ordre. Le pâtre, joyeux, prit le temps d’aller demander la bénédiction de ses parents.

Ce jour-là, la Providence avait accompli, de la manière la plus simple, un merveilleux dessein, car cet enfant devait être l’immortel saint Pie V. Les études du jeune Michel furent brillantes ; l’élève devint lui-même, à vingt ans, un professeur distingué.

Bientôt il lui fallut courber ses épaules sous la charge de supérieur, puis d’inquisiteur. C’est dans cette fonction épineuse qu’il se créa, en défendant les droits de l’Église, des ennemis implacables. Il dut aller à Rome justifier sa conduite. Ce voyage de Rome marque dans la vie du jeune religieux.

Les Dominicains du couvent de Sainte-Sabine, le voyant arriver avec un extérieur négligé, lui firent mauvais accueil ; le supérieur alla même jusqu’à lui dire avec raillerie : « Que venez-vous chercher ici, mon Père ? Venez-vous voir si le collège des cardinaux est disposé à vous faire Pape ? » Le religieux peu charitable ne se doutait pas qu’il prédisait l’avenir.

Le cardinal Caraffa jugea autrement le jeune inquisiteur ; sous cet extérieur modeste, il reconnut une grande âme destinée par Dieu à combattre vaillamment l’hérésie ; et plus tard, quand il fut devenu Pape sous le nom de Paul IV, il eut hâte de donner un évêché à Michel Ghislieri, qui dut l’accepter malgré ses larmes. Dès lors on vit briller en lui toutes les vertus apostoliques, surtout l’amour des pauvres et des humbles.

Peu de temps après, l’évêque était cardinal. Il n’accepta des exigences de sa dignité que ce qu’il ne pouvait éviter ; son palais ressemblait à un couvent, sa vie à celle d’un moine. Jamais plus grande violence ne lui fut faite que quand on lui imposa de force la charge du souverain pontificat. Il prit le nom de Pie V.

Peu de Papes ont vu autour d’eux le rayonnement de plus grands Saints et de plus grands hommes ; c’était le temps où vivaient les saint Jean l’Aumônier, les saint Thomas de Villeneuve, les saint Jean de Dieu, les saint Jean de la Croix, les sainte Thérèse, les saint François de Borgia, Louis de Gonzague, Stanislas Kostka, saint Charles Borromée.

Le grand événement de son règne fut la victoire de Lépante, dont il eut la révélation à l’heure même où elle fut remportée.