« Tu as bien écrit de Moi, Thomas. Quelle récompense désires-tu recevoir ? »

Et le Saint, pénétré d’amour, s’écria :

« Rien d’autre que Vous, Seigneur ! »

7 mars

Saint Thomas d’Aquin, docteur de l’Église (1226-1274)

Saint Thomas d’Aquin naquit au château de Rocca-Secca, près de la petite ville d’Aquino, dans le royaume de Naples, l’année qui vit descendre au tombeau saint François d’Assise, et saint Louis monter sur le trône de France. Il fut le plus grand homme de son époque et l’une des plus éclatantes lumières de l’Église dans tous les temps.

Un fait charmant de son enfance nous montre déjà en lui le prédestiné de Dieu. Il était encore au berceau, quand un jour sa nourrice voulut lui ôter de la main un papier qu’il tenait ; mais l’enfant se mit à crier. La mère survint ; piquée de curiosité, elle arrache enfin de force le papier des mains de son fils, malgré ses cris et ses larmes, et elle voit avec admiration qu’il ne contient que ces deux mots : Ave, Maria.

Devenu plus grand, Thomas fut élevé au Mont-Cassin, non loin du château familial, dans la célèbre école des Bénédictins, et à l’âge de dix-huit ans, malgré ses parents, il entra chez les Dominicains, à Naples.

Sa noble et toute-puissante famille fit une guerre acharnée à sa vocation ; on employa tout pour le perdre. Arraché à son monastère, il fut jeté en prison dans une tour du château paternel, et on introduisit près de lui une courtisane pour amollir son cœur. Thomas, sans défense, saisit dans le foyer un tison enflammé et la mit en fuite. Il se jeta ensuite à genoux et s’endormit ; pendant son sommeil, il vit les anges descendre du Ciel pour le féliciter et lui ceindre les reins, en lui disant : « Recevez de la part de Dieu le don de chasteté perpétuelle. » Son confesseur put déclarer après sa mort que Thomas était mort aussi pur qu’un enfant de cinq ans.

Victorieux de tous les obstacles, il put enfin suivre sa vocation et fit d’immenses progrès dans les sciences. Silencieux au milieu de la foule des étudiants, ne conversant qu’avec Dieu, il avait reçu le surnom de Bœuf muet, mais saint Albert le Grand, qui était son professeur, dit un jour de lui, en public : « Vous voyez ce bœuf que vous appelez muet, eh bien ! il fera retentir bientôt tout l’univers de ses mugissements. » Cette parole était prophétique. D’élève devenu le premier des maîtres, il illustra toutes les universités où l’obéissance le conduisit pour enseigner.

Le plus grand des miracles de sa courte vie de quarante-huit ans, ce sont les ouvrages incomparables et immenses qu’il trouva le temps d’écrire au milieu d’accablantes occupations. Les admirables hymnes de la fête du Très Saint-Sacrement sont l’œuvre de ce grand Docteur, dont la piété égalait la science. A la possession de « Paris la grande ville », il dit préférer « le texte des homélies de saint Jean Chrysostome sur l’évangile de saint Matthieu ».

Il entendit un jour Jésus-Christ lui adresser, du fond du Tabernacle, cette parole célèbre : « Tu as bien écrit de Moi, Thomas. Quelle récompense désires-tu recevoir ? » Et le Saint, pénétré d’amour, s’écria : « Rien d’autre que Vous, Seigneur ! » Ce grand docteur fut l’ami de saint Louis et le bras droit des Papes.

Il rendit son âme à Dieu le 7 mars 1274. Il fut canonisé le 18 juillet 1323 par le pape Jean XXII et fut proclamé Docteur de l’Eglise par saint Pie V en 1567. Il est le saint Patron des écoles et des universités catholiques.

* * *

Voici, pour illustrer ce que fut la vie de saint Thomas d’Aquin, le commentaire de Dom Marmion sur la rectitude de l’homme, blessé par le péché originel et restauré par la grâce :

« Dieu a créé l’homme « droit » dans une rectitude parfaite de nature : Fecit Deus hominem rectum. Toutes les facultés en Adam étaient parfaites et parfaitement harmonisées. Dans cette nature vierge, sortie de la main de Dieu, il y avait une magnifique subordination des puissances inférieures à la raison, de la raison à la foi, de tout l’être à Dieu ; harmonie qui était le rayonnement divin de la justice originelle. L’ordre était parfait dans cette créature ; l’accord régnait, complet, entre toutes les facultés dont chacune se reposait dans son objet : de là naissait une paix inaltérable. C’est, en effet, comme le dit saint Thomas, « de l’union des différents mouvements dans l’homme vers un même objet que résulte la paix » (IIa IIæ, q. 29 a.1).

Le péché est venu : tout cet ordre admirable a été bouleversé ; il n’y a plus d’union entre les divers appétits de l’homme ; en lui se rencontrent désormais le plus souvent pour se combattre des tendances diverses et contraires : la chair conspire contre l’esprit et l’esprit lutte contre la chair : de là le trouble.

Pour retrouver la paix, il faut, dès lors, ramener l’ordre et l’unité dans les désirs.

Or, en quoi cet ordre consiste-t-il ?

En ce que les sens soient dominés par la raison, et la raison soumise à Dieu : aussi longtemps qu’un tel ordre n’est pas rétabli, la paix ne peut exister dans le cœur. « Vous nous avez fait pour nous pour vous, ô mon Dieu, s’écrie saint Augustin, et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en vous. »

Pour jouir de la paix véritable, il nous faut chercher Dieu, mais il faut le chercher de la façon dont il veut que nous le cherchions, c’est-à-dire dans le Christ. C’est là l’ordre fondamental établi par Dieu même. »

Dom Marmion, « Le Christ idéal du moine, p. 580 sq