
Entre le bœuf et l'âne gris
« Le ciel, tu me l’as donné, la lumière, elle est en moi.
Je me sens libre comme un oiseau ! »
S’il me fallait choisir un rôle dans la pastorale des santons de Provence, c’est l’aveugle que j’aimerais être… l’aveugle guidé par le ravi, qui ne voit que de belles choses ! Mais l’aveugle voit des choses plus belles encore… des choses que le ravi lui-même ne voit pas ! Car « la beauté véritable est au terme des choses », et l’aveugle ne voit que ce que lui montre la lumière qui est en lui… ce que personne ne voit ; et il entend des choses que nul autre n’entend… il entend ce que disent ceux qui se taisent : Jésus, Marie, Joseph !
Il voit cet Enfant si beau et sa Mère si belle… beaux tous deux comme la grâce du Bon Dieu… beaux comme le pardon divin !
Il voit l’Enfant dans la beauté de sa gloire incréée, et il entend le chant d’amour de son âme…il entend le désir de son cœur : mon enfant, donne-moi ton cœur !
Il voit sa Mère si belle, toute lumineuse dans sa pureté virginale…et il entend le Magnificat que son âme ne cesse de chanter…
Il voit Joseph qui ne sait que dire… (il n’a pas l’habitude !), Joseph dont le coeur silencieux est ravi par la beauté de cet Enfant qui est devenu le sien sans être le sien, cet Enfant plus beau que s’il était le sien… Joseph ravi par la beauté de Marie, son épouse si vierge et si mère, si belle dans sa virginité et plus belle encore dans sa maternité, si belle de la grâce dont elle est pleine…Et l’aveugle entend le cœur de Joseph qui se tait mais dont l’âme est toute pleine de merci… merci pour les hommes, merci pour les pécheurs, merci pour les malades, les aveugles et les boiteux, merci pour les enfants !
Dans cette lumière qui est en lui, l’aveugle voit ce que ne voient pas ceux qui ouvrent les yeux… il voit ce qui fait la beauté des choses et des âmes : il voit avec toute son âme la grâce cachée au cœur des êtres et des âmes, cette grâce qui rend toute chose belle de cette beauté qui n’est pas créée, la beauté incréée qui est la charité dont vit Dieu en sa Trinité !
Tu es heureux l’aveugle, toi qui vois cette beauté que je ne peux voir qu’en fermant les yeux pour entrer dans le mystère des œuvres de Dieu… la beauté de l’amour… l’amour incarné, l’amour vivant en Jésus, vivant en Marie, vivant en Joseph, vivant dans le cœur des saints du ciel et dans celui des saints de la terre… l’amour qui promet et qui donne la vie… l’amour qui pardonne, l’amour crucifié qui déchire le ciel et l’amour glorifié qui l’ouvre à tous les hommes dont la volonté est bonne, ceux dont le cœur est pur et l’âme droite, ces âmes qu’il est venu chercher à Noël et qui se sont confiées à lui, livrées à lui pour ne plus vivre sans amour ! L’aveugle voit ces âmes qui l’entourent et qui se donnent à la grâce, qui donnent leur cœur à Jésus… et son cœur chante !
Il chante avec ce petit ange que personne n’écoute ! Tout le monde parle et s’agite autour de lui ; et les grands anges, les anges majeurs eux-mêmes clament dans la nuit leur « Gloria in excelsis Deo » … et lui, le petit ange, ange mineur auquel personne ne fait attention, il chante de toute son âme « Gloria in terra Deo » … oui, bien sûr, « Pax in terra », paix pour les hommes mais d’abord, gloire à ce petit Enfant qui vient de naître et qui est le Fils de Dieu ! Ce petit ange qui chante son Gloria in terra Deo pour Jésus, ne quittera plus cet enfant et ne cessera son chant que lorsque cet enfant sera retourné dans la maison de son Père… il ne le quittera plus, non pour le garder mais pour le servir ou pour le consoler !
L’aveugle, qui entend ce que personne d’autre ne peut entendre, entend le chant du petit ange solitaire et son âme chante avec lui en silence…il chante sa joie, son amour et l’immense merci de son cœur ! Oui, gloria in terra Deo !
Saint Noël l’aveugle !
Merci de m’avoir prêté tes yeux fermés pour voir ce que je n’aurais pas vu sans toi, ce que ne peut me faire voir que cette lumière qui est en toi et qui est en moi, celle de la Foi, celle qui me fait croire à l’amour, celle qui me fait voir la grâce en tout ce que fait Dieu, sans que j’aie besoin d’ouvrir les yeux, et que je vois mieux les yeux fermés, l’âme illuminée par la foi…
Saint Noël à tous les aveugles !
Il y a ceux qui sont aveugles de naissance, et ceux qui se sont rendus tels à cause du royaume des cieux… Bienheureux les aveugles !
Et nos credidimus caritati…
Bienheureux ceux qui ont cru…
Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu !