Après le commentaire des deux premières béatitudes paru dans la revue Itinéraires (n° 120, de février 1968) :
« Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux »,
« Bienheureux ceux qui sont doux parce qu’ils posséderont la terre »,
(Première partie : https://havresaintjoseph-tradition.fr/les-beatitudes/ )
voici les trois suivantes :
« Bienheureux ceux qui pleurent car ils seront consolés. »
« Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés »,
« Bienheureux les miséricordieux parce qu’ils obtiendront miséricorde. »
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La douceur c’est aussi imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ en période de persécution. La douceur c’est l’Agneau qui se laisse arrêter, flageller, crucifier.
Et Jésus continue :
– « Bienheureux ceux qui pleurent car ils seront consolés. »
Bienheureux ceux qui pleurent car ils seront consolés. C’est plus que jamais le renversement de toutes les valeurs. Et constamment, il faut rappeler aux chrétiens que les larmes et la souffrance sont leur richesse.
Tous ceux qui ont la vie trop facile devraient être terrorisés et se souvenir de cette autre parole : « Vous avez déjà reçu votre récompense. » Terreur de s’entendre dire cela au jour définitif. Terreur d’être récompensé sur la terre. Tous ceux qui ont la vie trop facile devraient rejeter comme en rejetterait une dangereuse idole, leurs facilités, pour s’empresser de servir ceux qui pleurent. Car s’ils doivent être bienheureux, ce n’est tout de même pas pour que nous nous croisions les bras en disant : Ils ont bien de la chance, laissons-les pleurer. Ceux qui n’auront pas essuyé les larmes ou qui les auront provoquées, quelle récompense attendent-ils ?
La vérité est que toute larme devrait être offerte comme une perle précieuse aux Anges préposés à leur récolte. Pour un chrétien, toute souffrance est une joie, non pas pour la souffrance elle-même (ils ne sont pas tous), mais parce que l’offrande de la souffrance est, avec l’offrande de l’obéissance, la plus grande preuve d’Amour. En nous laissant souffrir, Dieu nous donne un moyen de Lui prouver que nous L’aimons vraiment. Il est trop facile d’aimer quand tout va bien. Il faut aimer les roses mais aussi les épines et plus les épines que les roses.
Que les athées ne prétendent pas qu’ils ont peur d’entrer en Chrétienté parce qu’il y faudrait beaucoup pleurer. Personne sur terre n’est à l’abri des larmes et il ne suffit pas d’être païen pour avoir la vie facile. Mais un chrétien au moins sait que la souffrance est nécessaire car une vigne doit être taillée pour donner du fruit. L’homme aussi, cette vigne du Seigneur, doit être taillé s’il ne veut pas se disperser et s’étouffer dans un inutile et fatigant fouillis d’occupations vaines.
– « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés. »
Cette faim et cette soif sont l’adorable tourment de l’Apôtre qui ne peut pas supporter qu’un seul homme sur la terre puisse vivre sans aimer Notre-Seigneur Jésus-Christ. Cette injustice est pour lui monstrueuse et il a faim et soif de voir l’Église embrasser le monde. Tout chrétien devrait avoir ce tourment. Il est misérable de ne penser qu’à son propre salut. Ce qui importe, ce n’est pas tant son salut ou celui des autres que la Gloire de Dieu.
La justice c’est que Dieu soit aimé et premier servi même s’il n’y avait pas de promesse de Paradis. La justice c’est que Notre-Seigneur ne soit pas perpétuellement recrucifié par ceux qui le dédaignent ou admettent avec condescendance que sa morale est belle.
– « Bienheureux les miséricordieux parce qu’ils obtiendront miséricorde. »
Pardonnez-nous nos offenses comme … Beaucoup le répètent tous les jours, demandant sans réfléchir à Dieu de ne surtout pas leur pardonner un certain nombre de leurs péchés puisqu’il en est qu’ils ne veulent pas pardonner aux autres. Ils disent très exactement : Faites bien attention de ne pas tout me pardonner … et même le disent quotidiennement pendant des années puisqu’ils cultivent quotidiennement pendant des années une secrète (ou même ostensible) animosité contre telle ou telle personne.
Dans ce domaine il semble qu’on serait volontiers miséricordieux pour une très grave et spectaculaire offense mais qu’on ne puisse jamais l’être pour les toutes petites offenses pour tous les petits coups d’épingle. Mais là aussi il faut savoir appeler la grâce au secours. Jésus ne nous demande pas de pardonner sans son aide, c’est-à-dire de jouer les fanfarons en lui disant : Constatez comme je suis bon et généreux, maintenant vous allez en faire autant à mon égard. Celui qui voudrait pardonner tout seul ne pardonnerait ni longtemps ni souvent.
Il nous est seulement demandé de dire au Divin Crucifié que nous voulons le faire mais que nous ne pouvons pas parce que Lui Seul peut nous le faire faire. Et Il donnera le don de Miséricorde qui coulera en nous avec un grand apaisement parce que son plus cher désir est de pouvoir exercer envers nous cette vertu toute divine. La différence entre la Miséricorde divine et la nôtre c’est que celle de Dieu coule de source, ne tarit jamais et ne revient pas en arrière tandis que la nôtre est purement volontaire et, comme notre volonté ne peut rien créer, c’est à la source divine que nous devons la puiser ; et comme notre volonté n’est pas immuable, il est bon d’apprendre à repuiser. Dans ce domaine, comme dans tous les autres, il faut : vouloir, … ne pas pouvoir, … et appeler au secours.
L’image devenue classique de la paille et de la poutre illustre cette Béatitude. Tous les mépris, médisances, ironies et vertueuses indignations suscitées par les pailles qui, nous gênent tant dans les yeux des autres, ce flot de paroles qui fait le fond de presque toutes les conversations semblerait prouver que cette Béatitude est la plus difficile des huit. Quelqu’un d’astucieux ne pourrait-il pas nous aider en publiant un aide-mémoire de la conversation mondaine où les « pailles » seraient totalement bannies ? (Luc, VI, 3742) (Matt., VII, 1-5).
(à suivre)